Mon colonel !

Il n'y a pas si longtemps, quand ma tendre moitié me demandait de planter une attache au mur pour accrocher un cadre, vous pouviez repasser voir le mur 18 mois après, il était intact.

Mais je suis passé à la légion Menuisière entre deux.

On rembobine la cassette, certains étaient parti fumer une clope non homologuée quand la film a commencé, il n'ont rien compris au scénario.




Février 2019.
C'est le chaos systémique dans ma vie et dans ma tête, une petite expérience de collapso personnelle tourne au vinaigre. Je compose le 18 écolo en urgence (la ligne directe du grand Manitou en personne: Christophe aux coquelicots dans la ferme).

A ce moment, j'avais réuni tous les ingrédients nécessaires pour parvenir à dynamiter ma vie, les composés instables s'entrechoquaient dans des réactions à risque exothermiques...

Je n'avais pas le cul sur un baril de poudre, je m'enfilais la poudre en suppositoires.

Mais le 18 écolo m'a sauvé, il y a encore des gens formidables.

Comme souvent la solution aux problèmes n'est pas dans le problème, mais dans sa lointaine périphérie. Dans mon cas la périphérie, c'était Dreux.

À Dreux, il y a un centre de redressement pour personnes affligées et j'étais un beau spécimen de cette espèce.

J'y ai investi à crédit mes dernières ressources en terme d'utopie. J'ai fais mon baluchon, embrassé mes enfants en larmes, mon épouse totalement désorienté et je suis parti par un beau dimanche bien froid vers cet autre chose.

Chez moi-Dreux c'est 231 km. Soit 4h30 de route par les nationales, départementales, et les chemins agricoles défoncés quand mon GPS me la faisait à l'envers.

J'avais loué un petit F 1/2 chez une habitante locale à barbe.
Une chambre en sous sol, chez nous, on appelle plutôt ça une cave.

Que dire de cette première nuit ? Rien. Et je tue celui qui laisse fuiter des photos de ma tronche de cette nuit là.

Lundi 25 Mars 8h50 GMT

Arrivée au centre de redressement pour personnes affligées.
Sur place, premier constat: la seule personne affligée c'est moi.
Et le centre en question s'appelle La Menuiserie Solidaire

C'était parti pour 3 mois et une semaine de tentative personnelle de redressement.

Le responsable des Lieux, un homme s'étant présenté comme "carré" m'attribua rapidement ma première tâche. Pour un bon premier contact avec le matériau "Bois" autant commencer avec l'acier.

9 chariots vétustes, équipés de 4 roulettes chacun, solidement solidarisées par 4 boulons bien retords à retirer pour remplacement. Masse, burin, il fallait en premier lieu parvenir à glisser la lame du burin sous un écrou inaccessible, en force parvenir à la soulever pour atteindre la tige filetée de 8 mm et là, avec la finesse d'un Brutus entamer un dialogue à la masse, jusqu'à un "Ch'ting !!!" qui voulait dire que le boulon encore lié à son filetage avait compris qu'on se passerai désormais de ses services et cédait finalement à mes arguments en volant à 250 km à l'autre bout de l'atelier.

9x4x4 = 144 Ch'ting.

Ça en fait des coups de masse pour quelqu'un dont le principal outil est une souris.
10 à 15 mn par boulons, mon avant bras droit et ma main n'avait pas vraiment compris dans quelle aventure je venais de les plonger.

J'étais lent à Ch'tinguer les bouzins malgré une motivation assez rectiligne.
Mes collègues avec qui je ne pouvais que peu échanger dans un premier temps (faute aux décibels inhérents à ma tâche) m'avait dit amusés qu'un autre avait commencé cette tâche avant mon arrivée et que en 5-10 Blam ! l'écrou ch'tinguait dans l'atelier sans broncher.

J'étais plus sur du 50-100 Blam ! avant un ch'ting... Le gars avait des avants bras plus gros que mes cuisses, c'était pas du jeu...

Pas grave, c'est en forgeant qu'on devient menuisier. 
144 Ch'ting plus tard, l'épreuve de force était finie, mon avant bras aussi et ma main ne répondait plus à mes injonctions.
C'était le moment de remplacer les roulettes et d'en remettre de nouvelles, une tâche minutieuse que mon bras endolori et ma main fantôme ont eut un mal de chien à réaliser puisque au final, il faut avoir le contrôle de ses doigts et j'avais un bug système qui me disait erreur 404 main introuvable...  

J'étais lent... maladroit... motivé (pourtant).

Puis un jour, les 9 chariots étaient prêt pour le retour client... ...et moi pour une greffe d'un bras droit cybernétique. À ce moment là, j'avais si peu le contrôle de mon bras que je me méfiais comme de la peste de lui en allant me soulager: je sentais bien chez lui une colère et une rébellion qui aurait pu me faire ch'tinguer mon oiseau quelque part dans l'atelier à la vitesse de 250 km/h par vengeance.

Des trous et des vis (Torx)

L'homme carré, le Colonel Laurent, m'attribua un binôme, trois bras valent mieux qu'un.
Enfin dans un environnement en dessous des 115 db métalliques, j'allais pouvoir faire connaissance avec l'équipe.

Mon premier contact avec le bois également.
C'était comme apprendre la langue Papou avec pour seule base documentaire un bouquin sur la pêche aux harengs en Néerlandais.

- "Tu as une tête Torx de 20 sous la main ?"
- "Déligne moi une volige à 23..."
- "Fraise les trous avec la tête ronde..."

J'avais soudainement envie de ch'tinguer du boulon...

Et là... ...la grosse boulette.

Le colonel me demanda de venir l'aider au stock: réorganisation, préparation des expéditions, chargement du camion.

- Apporte moi une (palette) 90x120 ! Non ! ça c'est du 80x110... ...déplace le chariot... ...bouge les voliges... ...amène ça à la quincaillerie et rapporte les cloches (Oo ???)...

J'étais dans la quincaillerie à chercher quelque chose en forme de cloche quand des jurons venant des enfers m'arracha à ma perplexité...

Je me précipite vers la source. Et là je vois la porte du garage sortie de son guide de fermeture aussi certainement que le colonel était sorti de ses gonds.

Une palette 80x110 sortie par erreur et posée à la hâte par mes soins dans le cadre de l'entrée avait bloquée la descente du volet géant du garage, en niquant le câblage et la patience du colonel...

Ma palette...

J'ai regardé le ciel en sachant pourtant que je n'y trouverai aucune aide, l'équipe alertée s'était réunie devant le lieu de l'accident, je me sentais comme abonné à la poisse et au chômage.
Le colonel était plutôt tendu pour m'apprendre la règle N°1 de l'atelier: penser à tout, tout le temps.

J'aurai bien creusé un trou pour me pendre au réseau haute tension à ce moment là.
Je me suis contenté de me liquéfié en conservant un semblant d'état solide.

80x110 c'est pas du 90x120 mais ça reste visible, pourquoi avoir appuyer sur le bouton "close" quand j'étais loin de l'action "push" ?

Un sujet de philo qui me hante encore aujourd'hui...
Qui de celui qui pose la palette à la hâte et celui qui "push close" en confiance est responsable du crash...

Pourquoi j'avais posé cette %#@& de palette à cet endroit ?
Je venais de perdre pas mal de points et je n'en avais pas beaucoup à la base.

Au fil du temps et malgré ce souvenir douloureux qui a amputé ma confiance et celle du colonel à mon égard, j'ai quand même progressé un peu avec la langue menuisière.

J'ai appris... 

J'avais des collègues vraiment sympa, je reste dans le flou pour les prénoms, parce que je n'ai prévenu personne que je sévissais parfois à l'écris et que paf ils pouvaient se chopper un paragraphe dans la tronche, mais ils vont me manquer.

Les semaines ce sont écoulées.
Il m'est arrivé plein de trucs là bas, infection des sinus avec une gueule de hamster à gauche pendant une semaine au point de bouffer liquide 8 jours, crucifixion de la main gauche avec une Torx (c'est une vis, ça je le sais maintenant), crevaison de pneu, éclatage de phalange à la masse, meulage du pouce, écrasement d'un disque du dos, la routine.

Il y a eu des choses en Off également.

Ma proprio est une barge, mais c'est tellement long à expliquer qu'il lui faudrait sa propre chronique et elle peut aller se faire foutre pour ça (aussi).
J'ai marché sur les terres consacrées du grand Manitou, et je l'ai rencontré.
J'ai voyagé dans la cacamobile de Lea qui est écolo au point de fertiliser même sa voiture.
J'ai supporté les odeurs de graillon de mon coloc qui suivait un régime à base d'oeufs sur la plat 3 fois par jour dans une poêle qui passera sa vie sans jamais plonger dans une eau de vaisselle (certes la démarche est écolo, mais putain bonjour les odeurs...).
J'ai vécu un racisme inversé étant un des rares blancs de mon quartier.
J'ai fréquenté assidûment un bar PMU qui me servait de cafetière.
J'ai appris qu'on ne pouvait pas faire la cuisine dans un F 1/2 avec une plaque chauffante de 500w si on avait pas 2h devant soi.
Je connais l'ensemble de la gamme des plats préparés Marie et Fleury Michon (ce qui ne manquera pas d'en faire sourire certains et d'en dégoûter d'autres).
Je me suis rarement couché après 21h30.
Mon GPS est mort la troisième semaine si c'est un détail pour vous, pour moi c'était bien la merde.
Ma connexion internet devait être de 137 ko/semaine.
...

Dernière semaine à Dreux...
Canicule annoncée, départ précipité.

J'avais prévu des choses la dernière semaine, mais le mardi après-midi déjà il faisait chaud dans l'atelier, passé 35°, mon cœur me rappelle que ce que je vis c'est du bonus depuis 2013. Je n'étais pas le seul à l'atelier à hyper-ventiler d'ailleurs...

Mais mon départ à été précipité par un autre événement:
L'état des lieux de ma cave.

Ma proprio à barbe étant un composé instable, j'avais jugé nécessaire d'organiser une rencontre en début de ma dernière semaine...

Instabilité aidant, le début tomba un mercredi en fin d'après midi.
Elle m'attendait, ainsi qu'une étrange fourgonnette marron, 5-6 policiers en uniformes et 3 cowboys en civil... 
Je vous jure que l'odeur qui s'échappait quotidiennement du soupirail de la cave n'était que de l'encens, et rien que de l'encens (pour couvrir les odeurs de graillon).
Le coloc était mort. AVC fulgurant.
3 jours que je dormais à côté d'un cadavre...
Overdose d'albumine et de cholestérol je dirai...

- "Et vous ne sentiez rien ? me demanda Bud Spencer..."
- Ça sentait déjà ça de son vivant... (que dire d'autre).

Pas de bail, pas de contrat, ma proprio c'est chier dessus.
Elle me pria de partir séance tenante redoutant que les gros nez de la maréchaussée perse dans les effluves existantes d'autres odeurs de caisse noire...

J'ai réussi à grappiller une dernière nuit, pour une dernière demi-journée de travail avant la chaleur de la journée, et mon aventure à Dreux c'est finie comme ça.

J'ai voulu passer voir Chris-grand Manitou avant de partir, mais avec la défection de mon GPS je n'ai pas pu retrouvé le chemin de son joli paradis...

Bilan.

Positif pour moi, mitigé pour le colonel, agréable malgré tout.
Aujourd'hui, j'ai changé, ce n'est pas évident en surface, mais au fond de moi des trucs ce sont passés.

Maintenant je suis dans un rond point.
Le travail du bois, je garde. J'ai pu m'offrir un peu d'outil, acquérir certaines bases et je compte bien transformer l'essai en quelque chose. Je tourne donc avant de me lancer sur une route nouvelle.

Ce quelque chose, c'est Woodstick's et vous allez vous dépêcher de liker la page parce qu'en terme de référencement organique gratos ça m'aiderai beaucoup que vous le fassiez. sauf que je n'arrive pas à copier le lien direct parce que facebook c'est toujours de la merde quoi qu'on fasse.
La page s'appelle Woodstick's, le picto c'est une petite représentation en bois qui va servir aussi de visuel à cette chronique, débrouillez vous, mais collez moi 5 étoiles et dites tous que je suis beau, gentil, et tout le baratin d'arracheur de dent dont vous êtes capables pour me faire grimper rapidement
au paradis des vendeurs de trucs en bois. Si vous voulez m'aider c'est maintenant et comme ça.

Désormais je vais donc travailler le bois (actuellement je suis en phase de production)

3 axes

1- Les bâtons de marche.
C'est con mais j'y tiens.

Argumentaire commercial:
le SEUL moyen de transport 100% écologique .
Constitué de bois trouvé dans la nature sur des arbres qui sont mort sans mon aide, ou qui se seraient fait bouffer de toutes façons par un plus gros, en train de gagner la course au prem's au soleil.
Tout terrain.
Quasi inusable.
Retient du CO2 sans en émettre.
Stylé, mes bâtons attirent autant le regard qu'une Ferrari.
Chaque modèle est unique.
Attire et favorise les rencontres entre écolos et amoureux de la nature.
Tient à distance les cons.
Fascine les enfants.
Évite souvent les entorses.

2- Objets décoratifs (de luxe).
là je bosse sur une lampe et son abat-jour, c'est pas fini, mais ça va claquer.
Et d'autres trucs que vous découvrirez sur ma page.

3- Menuiserie fonctionnelle en bois brut (rondins) pour un aménagement permaculturel des jardins.

Pour le moment, je dois meuler, scier, visser... ... constituer un showroom quoi.
Mettre à profit ce que m'a dit mon colonel, et ce que m'ont appris la chouette équipe que je viens de quitter.

Pardon d'être absent du net depuis si longtemps, et d'y sévir moins souvent à l'avenir.
J'ai une vie à remettre d'équerre, et je ne peux plus me permettre de consacrer autant de temps à mon avatar.

Plein de grosses bises.

PS: Les petits malins qui ont été cliquer sur le lien de la menuiserie découvrirons qu'en fait, en vrai, je ne suis pas un petit pois vert. Une part de magie s'envole....


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