L'effondrement (des amis).

Comme l'explique assez bien Pablo Servigne, comprendre les enjeux à venir (je reprends la formule consacrée), tout n'est pas qu'une question d'information: il faut aussi une acceptation.

Ils en sont où mes amis ?




Aujourd'hui, je me demande quel est le rôle de l'amitié. Rien de moins.
Question acceptation, j'en suis au stade où j'ai tout avalé.
Tout accepté, même ce qui est encore caché dans les cartons.

En gros, je perçois cette urgence tous les jours, toutes les nuits, aussi bien dans les mécaniques d'une réflexion en état d'éveil conscient, que dans les traumatismes des réveils brutaux et réguliers où je suis en proie aux songes. J'ai beau me dire qu'au pays des Bisounours comme dans cette étrange réalité, on est conçu pour mourir, la fin étant connue, il n'y a pas lieu de dramatiser.

Ça ne m'empêche pas de produire du cauchemar comme d'autres produisent de la marée noire. Mon optimiste est englué de mazout, et juste à côté de moi, je suis le témoin de l'agonie de mes proches. J'aurai pu, j'aurai du, si j'avais su... et je me réveil en sursaut à la mort d'un de mes enfants ou de mon épouse, Ils n'en finissent plus de souffrir, agonir, mourir.

Il n'y a pas si longtemps, je sortais paralysé de ces visions 3-4 fois par an.
Aujourd'hui, il m'arrive de me réveiller dans cet état 2-3 fois par nuit certains jours.

Je me souviens de ce type dans Matrix qui avait fait son Juda pour retourner dans la matrice. Simplement pour pouvoir bouffer un bon steack saignant et oublier la merde.
Quel ami suis-je donc finalement ?
Dois-je passer de capsule en capsule et faire mon max pour débrancher tout le monde ?
Tant pis si on passe l'étape de la pilule rouge ou de la pilule bleu faute de temps ?

Ou je chiale sur le plexiglass en me disant que dans la boite au moins on souffre moins.
Elle est où ma boite d'ailleurs ?
Quel est le con qui a fait sauter le couvercle sans me proposer la pilule ?

Je pense que les choses parlent d'elles-mêmes.
Un petit chat tout mimi avec une focale 2.4: plein de likes.
Un articles du monde sur l'état de la planète avec une ouverture de 18 du diaphragme sur les conséquences imminentes, rien.
Enfin si des fois, 1-3 réactions, mais ce n'est pas du jeu, c'est toujours des gens dont la capsule est ouverte.

Les gens s'en foutent. Mes amis s'en foutent.
Mes amis me font taire > désactiver les notifications de Zeb Cash (Votre ami n'en saura rien).
Me voilà prédicateur de convaincus. Ou "Ami" mal-aimé.
Mais est-ce qu'un pote doit passer son temps à taser ses potes ?

Et de mon point de vue, qu'est-ce qu'un ami qui ne s'intéresse qu'à la picole, aux bagnoles, aux vacances en pension complète, à la littérature romantique, à la peinture abstraite, à l'éducation démocratique de leurs enfants, aux courses tant que c'est un truc qui cadre dans le schéma.

Des amis qui me dénigrent, même sans le vouloir, en essayant de me faire voir le bon côté d'être chômeur (tu as du temps pour toi veinard !).
Alors que je ne suis pas chômeur puisque je ne touche pas de chômage.

180€/mois c'est le minima social auquel j'ai droit à titre personnel en tant qu'auto-entrepreneur qui s'est ramassé. Je le couche pour la première fois sur le papier, à haute voix j'aurai honte du choc que ça leurs ferai. Et je ne me sens pas du tout de le verbaliser.
Déjà "chômeur" ça paraît compliqué à aborder pour certains de mes proches, "pauvre" ce n'est pas concevable pour eux. C'est plus commode de m'imaginer riche de 600-800 euros...

Comment je fais pour m'en sortir ? Je suis marié.
Avec un salaire pour deux, la logique globale et la réponse des organismes d'aide, c'est que je ne suis pas à plaindre. Y'a pire. Ce qui est indiscutable.

Cela dit, mes 180€/mois ce n'est pas non plus "in the pocket", j'en rétrocède de bonne grâce une grande partie à mon microcosme, qui se fait plumer de la TVA au passage, j'en dépense une partie en suicide au tabac (Arrête ! Faut bien que je paye aussi des impôts non ? J'ai rien trouvé de mieux), il me reste parfois... 20€ en free conso-playing.

Et pourtant, c'est pas mon pouvoir d'achat qui me réveille la nuit.
Trouve du boulot !
Demandeur d'emploi ? C'est au dessus de mes moyens aujourd'hui, mais pour beaucoup cette vérité, c'est un peu comme la fin des énergies fossiles et le réchauffement climatique, ça se discute...

De l'autre côté de la rue il y a du travail, je sais bien.
Si je le prend au mot, me voilà cambrioleur dans une petite résidence pavillonnaire.
C'est pas Panam ici, ici c'est les Hauts de France...

Il suffit de regarder les spots de woofing pour comprendre, en une seule carte tout est dit.


La carte de la misère intellectuelle.

J'en veux à personne, je me dis que j'ai peut-être juste la chance de vivre une situation qui m'a permis d'ouvrir les yeux, comme si c'était la matrice qui avait dit: beurk, celui là, je vais pas pouvoir le digérer, je vais le cracher avant qu'il pourrisse sa rangée. Je crois que j'ai eu du bol, effectivement dans la rangée Haut de France, ça bug grave, certains ouvrent le capot le temps de dire: Heil Hitler ! Et replongent dans le jus.

Vas-y part ! change d'air...
Ce qui peut paraître facile pour certains,  c'est simplement inenvisageable pour moi. Tant que ma femme est riche !!!

Si je pars, je pars seul. Avec un bâton de marche, des sacs totalement inappropriés pour le voyage, une tente intransportable à pied , un duvet permettant de supporter du +12°. (Un allez-simple en bagnole nord-sud avec un budget de... aller 50 boules si je tire, bah non, si je pars c'est en stop).
Je pars, je perds mes enfants. Mon épouse à trop peur et peut-être à juste titre de perdre sa fiche de paye, on ferai comment sans ?

TOUT me pousse vers un ailleurs pourtant.

Pas la peine d'être deux à supporter le sentiment de n'être finalement plus rien.
Un suicidaire à gérer c'est déjà pas mal.

Je ne suis pas certains que mes "amis" (ceux que je peux toucher et voir) puisse comprendre vraiment une situation d'impasse. C'est plus facile d'en parler aux autres amis, ceux qui sont plus prêt des spots verts, ceux qui ont ouvert seul la boite à dormir peinard, ceux qui tapotent des trucs.

D'une certaine façon mon univers virtuel est moins pesant que les confrontations réelles. L'isolement pour supporter tous les paradoxes qui me servent de murs.

L'effondrement de mes relations sociales est amorcé depuis 4 ans.
Je devrais en vouloir aux nègres et aux arabes de me piquer mon boulot. Mais je suis moi même un nègre et un arabe, blanc de surcroît depuis que je me suis affranchi du racisme bourgeois de mes racines familiales. J'ai le pire des handicaps, je suis un non-consommateur au milieu d'un environnement d'hyper-marchés.

Ici, le woofing c'est faire pousser du bio à côté de l'autoroute sous les lignes à haute tension, la forêt sauvage ferme à 20h l'été, 17h l'hiver, on ne se baigne pas dans les rivières, ici on appelle ça un canal, tu plonges, tu crèves envasé où tu choppes la merde de canard qui compose la vase recouvrant les métaux lourds.

J'ai pas de projets, juste des passions, pas de vision d'avenir radieux, juste un gouffre. Plus de vrai amis, ou du moins j'échangerai sans état d'âme une grande partie des réels (vraiment réels ?) pour les virtuels (vraiment virtuels ?).

Putain de coming out non ?

Je vous balancerai bien à l'IA, histoire que Sion retourne à la poussière et moi à mes illusions.
Mais je suis plutôt de bonne humeur aujourd'hui.

Alors mes amis physiquement fréquentables: je dois continuer à les pourrir de réalités ? Où je les laissent dormir dans un scaphandre d'illusions ?

Je fais des généralités, il y en a quand même 3-4 que j'apprécie vraiment, ils pourront ce reconnaître: poils hirsutes, volant au max sous les radars ne laissant de visible qu'un index bien haut tendu, avec parfois des tâches de peinture dessus, où quelques notes de musiques en bandoulière, un appareil photo ou une caméra, j'ai été vers eux durant l'année, même si ce n'était pas long à cause que je deviens agoraphobe. Pour les autres, franchement, à quoi bon être pote aujourd'hui puisque tout nous sépare désormais.

Y'a débat: vous faites quoi de vos potes en capsule vous ?

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