J'ai mot, mais j'ai encore plus mal.

Le règne de l'humain touche à sa fin. Ce n'est pas le début d'un roman d'anticipation, c'est une réalité qui se déverse implacablement à la surface de notre planète.

Il est probable que certains d'entre nous vivrons cette agonie qui portera la couleur de la souffrance, le bruit de la famine et l'odeur de la guerre. La dernière génération vient de naître et pour elle, l'avenir n'existe déjà plus. L'humanité est en proie à une confusion sans précédent.

J'aimerai croire à un sursaut possible, à une prise de conscience collective et globale, mais celle-ci interviendra trop tard. Nous avons déjà détruit les constituants fondamentaux de l'espoir. Anéantissant la racine d'une résurgence avant même que celle-ci ait une chance d'exister.

Pour évoluer, l'humanité a choisi de croître, et elle l'a fait sans se soucier de ses besoins fondamentaux, allant jusqu'à les ignorer pour au final les oublier.

Notre cancer, celui qui se propage sans possibilité de rémission, porte un nom, il s'appelle désinvolture. A tord bien sur, on lui donne le nom de liberté.

Car le premier mal de l'humanité est de mal comprendre son langage. Et en utilisant des mots pour d'autres, les mots deviennent des maux. Ce sont ces mots-maux qui nous conduisent aujourd'hui au balcon de notre apocalypse, au moment inévitable où les déséquilibres accumulés vont nous faire basculer dans un cauchemar inexorable.

Dieux et Dieu ont recueilli depuis des millénaires ses maux-mots, ceux que nous appelons de nos prières, dans l'attente d'être entendus. Preuve non, constat, que depuis longtemps, les maux existent, peut-être même, bien avant les mots. A certains maux, les mots ne suffisent plus. Et pour formuler ces prières, les mots dit, ne sont sans doute pas les bons, car ils s'envolent, alors que les maux restent, en nous laissant maudits.

Nous étions pourtant favorisés. Dotés du langage. Pour nous entendre et nous comprendre, enfin en théorie. Mais les mots nous ont affligés d'une nouvelle calamité, la cacophonie et la dissonance, des mots pour des maux, des maux pour d'autres mots.

L'humanité qui croit et qui croît. Sur des mots et des maux, inventant sans cesse de nouveaux mots et des maux nouveaux.

L'homme s'imagine en régulateur. Régler les problèmes est son obsession, en créer de nouveaux sa malédiction. Ainsi à chaque fois qu'il se croit à maîtriser pour croître, il s'illusionne de ce qui a été accompli et se dérobe à ce qu'il engendre. L'orgueil d'un passé accompli pour s'aveugler d'un avenir qui se complexifie.

L'homme ne s'intéresse pas aux synonymes, sauf à se livrer à des exercices de style. Pourtant dans cette dichotomie élémentaire, pour peu qu'on s'y intéresse, des indices de nos erreurs nous sont livrés. Les mots ont un sens, qu'il est trop facile et trop commode d'oublier. L'homme préfère les mots qui séduisent, ceux qui sont convainquant. Les mots conquérants. Les mots que l'on retient pour faire oublier les autres maux. Les mots qui dérangent, des maux que l'ont voudrait oublier.

Ainsi croître c'est fructifier, s'étendre, se développer, prospérer, s'élever...
Si bien que dans cette vision idéale on oubliera certains synonymes pouvant paraître plus ternes comme pulluler, profiter, grossir, plus faciles connoter. Et on prendra bien soin de ne pas les relier aux oxymores, qui pourraient en surgir et entacher l'élan d'une vision, que l'on souhaite ne décrire que comme positive. Des mots pour masquer des maux. Des maux transfigurés en mots. Des mots pour transfigurer des maux.

Avec les mots nous pouvons appréhender un monde, nous pouvons aussi en créer un autre. Avec des mots, nous pouvons aussi les superposer. Créer l'illusion d'un monde réel et transformer les réalités de ce monde. Jusqu'à intimement les lier pour créer une vision du monde, ou un monde d'illusions. Voir l'illusion de la vision du monde. Loin des réalités. Des réalités souvent illusoires. Et des illusions bien réelles. En changeant des maux par des mots, ou des mots par des maux.

L'humain va donc bientôt disparaître en quelques mots. Le mal s'en va. les mots aussi. Sauf à vivre dans l'illusion que les mots restent et qu'ils nous survivront.

J'ai peu de mots pour exprimer tous ces maux qui nous accablent. Et je voudrai en avoir tant. Tenter de vaincre les maux avec d'autres mots.

Je voudrais avoir ce mot de la fin, qui empêcherait les maux, de nous conduire à cette fin.
Cette faim de mots, pour combattre ces maux infamants, qui nous conduiront à la fin par la faim.

Mais les mots ne suffiront pas, les mots ne servent à rien face aux maux.
C'est ça les maux de la fin, les mots de la faim.

Zeb (en proie à tous les maux reste sans mot.)

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