Manu, président des Francons.

D'avance, excuse la légèreté de cette lettre et l'absence d'entournures qui siéent habituellement à ton rang. Peu enclin à utiliser les figures de styles propres à la pensée complexe, je dois me contenter d'être un peu plus simiesque, dans la forme de cette prose, à Monsieur Lambda. Je ne dispose pas pour m'annoncer, d'oriflammes éclatants, gracieusement mis à ma disposition par la république. Je vais donc faire simple. Manu, j'y vais cash, je n'ai pas voté pour toi, en fait j'ai pas voté du tout. Pas de conclusion hâtive, je me suis abstenu par conviction, la conviction que la politique est vérolée. J'ai écouté un petit bout de ton discours pendant ta campagne, celui aux envolées lyriques klaxonnées (C'est moON PRoOOoojeeeeet !), ça m'a figé sur place. J'ai une aversion physiologique pour les porteurs de cravates, car ils ont tendance à s'attacher à un conformisme qu'ils appellent "valeurs". Valeurs, mes couilles, si je puis me permettre cette Tartuferie en forme de gonade. J'ai bien peur d'être anarchiste (à tendance écolo), question valeurs, c'est moins encadré voir parfois réfractaire. Tu seras assez mignon de ne pas me classer d'office comme un dangereux extrémiste d’extrême gauche, évitons les clichés, j'écris des mots, je ne fabrique pas de bombe. Ce n'est pas parce que je ne t'aime pas, que ça fait de moi un terroriste. Bon voilà, tu as joué et avec 1 vote d'opinion sur 5 te voilà président du camembert. Preuve que la démocratie à un coup dans l'aile, car en dehors d'une élection présidentielle, je ne vois pas beaucoup d'exemple où 20% d'opinions favorables, ce qui est un score assez ridicule, puisse permettre à un consensus de s'en dégager. Mais bon, je n'ai pas fait l'ENA non plus, j'ai des lacunes en embrouilles électorales. Moi, comme un con, j'en suis encore à croire que la majorité c'est plus de la moitié, tu vois le niveau ?! Naïvement, j'en suis encore à défendre l'idée d'une société qui fonctionnerai sur le bon sens et l'intelligence collective, mais il faudrait pour ça, un système éducatif qui enseigne autre chose que la sodomie économique option lobotomie, on en est loin. Ton programme je ne l'ai pas lu. Je me suis arrêté à ton CV avec déjà plein d'à priori. Et j'ai salement bloqué pendant ta campagne en te voyant te laver les mains avec des lingettes désinfectantes après avoir serré, caméras obligent, (quel courage !), les mains d'ouvriers occupants leur usine. Tout un symbole. Mais si j'ai bien compris la pensée complexe, l'idée générale, c'est encore plus d'économies structurelles à réaliser pour plus de croissance, le néo-libéralisme débridé façon fisting. Ils faut des réformes, bla bla bla... ...projet à la con, bla bla bla... ...responsabilités douloureuses, bla bla bla... ...salauds de pauvres, bla bla bla... ...plus de sécurité, bla bla bla... ...méchants terroristes, boum, boum, boum.

En fait Manu, je t'écris parce que dehors, dans la rue, pendant que tu joues au président tout propre, il y en a qui crèvent de froid de faim ou de mort. Que ça s'arrête pendant l'hiver, c'était une promesse, ta promesse pour être exact. L'empathie c'est cool, mais ça doit être suivi par la compassion ET l'action de l'état. Et puis là, étrangement, rien. Alors je sais, il y a les restos du cœurs, les associations, mais tout ça, à la base, c'est pas vraiment l'état. Et à l'origine, c'était du temporaire. C'est vrai, qu'il y en a de plus en plus des pauvres, ça gâche un peu la carte postale bucolique du merveilleux "vivre à la Française" de mon autre couille. Bon bref, promettre un toit pour tous pendant l'hiver, c'était un peu "too much", pas vraiment faisable quand on porte une cravate. Déjà que tu te passes la lingette sur les mains après avoir serré les paluches rugueuses des ouvriers, on ne va pas te demander de participer aux maraudes. Il y a les bénévoles et les ONG avec des bottes pour ça. Mais c'est quand même vachement sournois et petit joueur de leurs compliquer la vie en leurs pourrissant leurs crédits. Et ça, c'est quand ça ne fini pas sous les matraques des CRS, ou entre les mains de la justice. Clairement sur ce point, tu l'as joué vicieux. Précariser le boulot, s'était les doigts dans le nez, ce mettre au boulot pour les précaires, ça demande une toute autre carrure. Hasard du calendrier, c'est aujourd'hui qu'on apprend que les 1% les plus riches viennent encore de se goinfrer de 82% des richesses. Pas besoin d'être journaliste à Cash Investigation pour savoir que le fric est déjà dans les tubes de l'optimisation fiscale et qu'il ne ruissellera pas là où il y en a vraiment besoin. Mais pourquoi tu as dit que cet hiver personne ne dormirai dehors Manu ? On voit bien que c'est du pipeau, encoooorrreeee. Non pas qu'on soit surpris qu'à la plus haute marche de l'état, le mensonge puisse exister, ça on le savait, on en a l'habitude, mais ça décrédibilise encore un peu plus la fonction. Déjà que les gens votent moins. C'est malsain quand même, autant de désertions devant les urnes quand on vit en république.

Autre chose Manu: c'est pas évident d'élever des enfants dans le contexte actuel. A chaque fois qu'un sinistre de tes ministres passe à la télé pour nous annoncer ses prochaines réformes, nous parents, on passe vraiment pour des abrutis à leurs expliquer pourquoi et comment on se fait enfler jour après jour. On doit débriefer toutes vos conneries en permanence et ça devient franchement usant. Va expliquer aux enfants ce qu'est le lobbying. Va expliquer aux gamins que la notion d'humanisme est à deux doigts d'être illégale, à un doigt en fait: il reste encore le majeur qu'on te tend pour exister. Va leurs dire que l'eau, la bouffe et la vie sont empoisonnés, sciemment pour du fric, avec la complicité de l'état. La vérité Manu, c'est que je suis vert en permanence et pas toujours vert écolo, plutôt vert Hulk genre "me touche pas, ça pourrait partir direct". Je pourrai te faire la liste de tout ce qui m'a filé les nerfs et la nausée ces derniers temps, mais je vais forcément tomber dans la redondance, tellement c'est caricatural dans le foutage de gueule et déjà caricaturé comme tel, par les artistes dissidents à la pensée complexe, qui se goinfrent de tes âneries. Des fois, par masochisme sans doute, j'ai envie d'entendre ce que tu racontes en off, loin des caméras. Juste pour recueillir ce dont je suis convaincu. A savoir, les vrais mots de ton mépris, pour le tout venant populaire. C'est une chose qui se sent. Je radote, mais j'ai toujours cette image tenace de monsieur lingette. On peut faire mille débats, ce petit geste spontané est celui qui te trahi le mieux, c'est à cause de lui que je ne t'accorde même pas le bénéfice du doute en terme de bonne foi. Je ne vais même pas chercher à te proposer du "Mr le Président", comme si j'étais sensible à ton packaging. Tu n'as pas fait non plus, beaucoup d'efforts de ton côté, pour mériter un peu de respect, faut être honnête, tu es vachement condescendant. Comme j'ai été déjà copieusement visé par tes tirades pourries, donc bien servi de cette suffisance que tu distilles avec dédain, je me permet de t'en faire réchauffer une tasse de mon cru. Rassure toi, je ne vais pas te faire le coup de la lingette, je ne suis pas assez hypocrite pour te tendre la main en signe de respect, je suis radin là dessus. De plus, si je te choppe les doigts, je me connais, je ne vais pas te les rendre tout propre.
L'annonce de ton élection m'a affligé, déjà parce que tu as transformé ça à grand coup de baguette médiatique en accession au trône. J'ai trouvé ça tellement déplacé que j'ai préféré me taper un DVD de Bob l'éponge, c'est très crétin aussi, mais au moins ça ne se prétend pas être autre chose. La France, elle est fatiguée d'être une usine à conneries. La France ne veut pas se mettre en marche, elle veut que ce soit toi qui te bouge un peu le cul. Commence par la baraque que tu as à ta disposition, l'Elysée. C'est quoi ce défilé de lobbyistes qui y campent bordel ? C'est pour ça que tu déménages parfois chez Louis XIV ? Même google qui n'est pas un enfant de cœur en matière d'évasion fiscale, de lobbying et de surveillance te donne une définition assez exacte de ce qu'est un lobby. Je te met la définition en tête de liste, c'est toujours bon de rappeler les bases: "Un groupe d'intérêt, un groupe de pression, représentant d'intérêts ou encore groupe d'influence, plus traditionnellement, un intriguant ou un réseau d'intrigues..." enfin tu as l'idée, et je suis convaincu que je ne t'apprends rien. Maintenant, on peut faire également une recherche sur "corruption" la définition est quasi identique et finalement on se rend compte qu'on a les deux piliers d'un même édifice. Celui de la France en marche. Consternant. Normalement on s'attend à une réaction du type: dehors les charlots, surtout de la part d'un chef d'état. Mais là non, toujours pas. C'est petits fours et caviar, sur fond de concours de bites à Versailles. Raisonnablement, on peut se demander, si en guise de chef d'état, on ne s'est pas encore choppé un cheval de Troie.

En fait, je pourrai t'écrire tout le mépris que j'ai pour toi et pour ce que tu représentes sur des kilomètres, mais je vais m'arrêter là. J'ai surtout voulu faire plaisir à un pote en écrivant ces quelques lignes. Un pote trop con sans doute, pour se séparer de son empathie et sa compassion. Trop con, au point d'être perméable aux injustices que tu assènes comme un minable qui s'excite sur une plaie ouverte. Trop con, mais pas plus que moi, pour croire encore, que des mots puissent changer les choses. Mais pas assez con, comme beaucoup, pour croire qu'un chef d'état, lisse comme toi, puisse avoir une autre stature que celle qu'il s'achète ou se fait offrir en panoplie. Tu as beau vivre comme un roi, tu n'en seras jamais que le bouffon.

Aller ! Je me refais un petit Bob l'éponge et je vais pailler avec mon pote.
Désolé pour ton costard.

Zeb.


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